mercredi 26 août 2009

Les questions fermées: la porte ouverte au vendeur

Je finissais mon petit texte hier avec l'idée de détailler la technique de vente en vogue depuis des décennies dans tous les stages de formation aux métiers de la banque.
La méthode des questions fermées, consiste à poser une question au client qui l'oblige à répondre par oui, ou par non. Grâce à cela il est aisé par la suite d'orienter le client là où l'on veut. Par exemple (attention, il s'agit d'un cas pratique véridique qui m'a été enseigné par un formateur en technique de vente...):

Le conseiller: Vous n'avez rien Monsieur X contre l'idée de gagner de l'argent?

Le client: Euh, ben non évidemment.

Le conseiller: Je vois que vous n'avez pas de résidence principale. Vous souhaitez en acquérir une un jour n'est ce pas?

Le client: Oui, en effet.

Le conseiller: Et vous serez prêt pour cela à épargner tous les mois pour y parvenir?

Le client (à la base il était venu pour contester ses frais bancaires, mais là il commence à sentir qu'il est pris au piège): Oui, je serais prêt à le faire évidemment.

Le conseiller, victorieux: Ne cherchez pas plus longtemps, je vous propose le PEL (plan épargne logement) qui vous permet de voir votre placement rémunéré et de bénéficier d'un taux préférentiel lorsque vous souhaiterez effectuer un emprunt bancaire.

Et voilà, l'affaire est dans le sac. Le client, qui n'a même pas toujours assez d'argent de côté pour acheter ses clopes, s'est fait refourguer un PEL. Evidemment, dans ces cas là on ne rentre pas dans les détails tout de suite (il faut casser entièrement le PEL pour bénéficier de l'argent, le taux d'intérêt de rémunération est ridiculement bas...). Mais grâce à la méthode des questions fermées, on a réussi à enfermer le client dans un faisceau de présomptions qui conduisent à la conclusion de la vente.

D'après une étude, il est d'ailleurs prouvé que plus un commercial pose des questions fermées lors d'un entretien, plus il fait de ventes...

Alors méfiez vous de cette technique et sachez la débusquer rapidement.

mardi 25 août 2009

Une OC= des bâtons, des bâtons

Hier, j'ai bien conscience d'avoir envoyé des ondes négatives avec mon coup de gueule contre les gens qui critiquent le secteur bancaire. Je me suis élevée contre les personnes qui ne savent pas faire la différence entre ceux qui se font exploiter et ceux qui exploitent. Les agents du réseau sont soumis à une pression commerciale sans relâche afin d'atteindre des objectifs sans cesse plus importants. Le but: faire des bâtons.
Alors je me suis interrogée sur l'origine de cette obsession. Pourquoi, moi et mes camarades nous sentons nous obligés d'en faire toujours plus?
La réponse est à trouver dans la formation de chargé de clientèle que nous avons reçue.
En me replongeant dans mes anciennes notes, je vois beaucoup de photocopies de documents sur la gestion des risques, la lutte contre le blanchiment... Mais en reprenant mes notes écrites et en rassemblant mes souvenirs, je crois que nous avons surtout étudié les méthodes commerciales pour "faire progresser le fonds de commerce" (comprenez recruter de nouveaux clients, notion fondamentale dans la banque).
De nombreux cours ont porté sur les ouvertures de compte et les opportunités commerciales. En clair, comment faire acheter au futur client le plus de services en un minimum de temps. Il s'agit de le ferrer une bonne fois pour toute car plus le client aura de produits chez nous plus il aura du mal à partir ailleurs. Ce moment est donc décisif. Il faut faire parler le client le plus possible afin qu'il nous raconte sa vie: ses passions, ses préoccupations, ses peurs, ses projets...et à partir de là lui vendre les produits qui vont avec (placements, assurances, carte de paiement, ligne de crédit revolving). À sa sortie le client ne doit (presque) plus avoir de secret pour nous. Lorsque nous devenons trop indiscrets, il n'est pas rare de voir le client se rebiffer un peu. Dans ce cas nous répondons que nous posons ces questions pour des raisons de sécurité et de gestion des risques. En fait, nos intentions sont beaucoup plus intéressées que cela.
L'objectif non écrit mais maintes fois répété en formation est de placer 5 produits minimum à chaque OC. En dessous, on a raté l'opportunité commerciale et la direction n'est pas satisfaite.
Le résultat? C'est qu'à la prochaine ouverture de compte, on place des produits qui ne sont pas appropriés au client. Par exemple, conseiller un placement sur 5 ans pour un jeune actif au SMIC ou convaincre un étudiant de placer un peu d'argent en bourse.

Le conseiller: Vous avez déjà pensé à placer un peu d'argent en bourse?

L'étudiant: Ben non, en plus j'y connais rien. Et puis j'ai d'autres trucs à penser en ce moment.

Le conseiller: Je vous comprends très bien. Mais d'une part, il n'est jamais trop tôt pour s'initier aux marchés boursiers et d'autre part, ce n'est pas vous qui achèterez les actions mais des professionnels qui connaissent très bien le marché.

L'étudiant, hésitant et un peu intimidé: Euh, ah bon? Et ça me coûterait combien?

Le conseiller: Et bien dans le cadre de notre offre pour les jeunes pas plus de 30 euros par mois sur le fonds de votre choix.

L'étudiant, il hésite toujours: Quand même, c'est pas donné.

Le conseiller, un peu agacé: Vous plaisantez? Combien dépensez vous pour votre forfait mobile et internet par mois? Vous ne savez pas? Et bien moi je vais vous le dire en moyenne entre 50 et 100 euros, et c'est de l'argent qui sort de votre poche et qui n'y rentrera plus. Alors que la bourse c'est un placement. Vous pouvez gagner de l'argent.

L'étudiant, vaincu: Euh ben oui, d'accord, alors. Qu'est ce que je dois faire?

Le conseiller, le sourire aux lèvres: Rien de plus simple. Signez là.
Italique
Le conseiller sûr de sa victoire avait déjà préparé le papier prêt à signer pour le client.
Et voilà ce qu'on appelle dans le jargon bancaire un entretien commercial bien mené.
Ca donne à réfléchir non?

Demain, je vous parlerai de la redoutable méthode commerciale des questions fermées.

lundi 24 août 2009

Certains banquiers sont plus égaux que d'autres...

Ce matin, tous les journaux titrent encore une fois sur les bonus des traders. Des sommes folles sont citées : quatre millions d'euros récoltés en 6 ans par un trader qui coule une retraite heureuse dans un paradis de la mer Méditerranée, des primes allant jusqu'à trois cent mille euros par an... À les entendre il fait bon vivre dans le milieu bancaire. L'argent coule à flot. Dans un demi sommeil, je me prends à rêver. Je suis sur un yacht, la mer est bleue, le soleil brille. Un barman m'apporte une margarita sur un plateau en argent. La vie est belle...
Sept heures trente. Le réveil s'éteint, c'est le signal, il faut que je me lève, me douche, m'habille vite fait pour filer au boulot. Un café vite avalé, un tartine et hop le métro. Tout le monde est entassé et fait la gueule. J'arrive à l'agence, un petit salut rapide aux collègues. On se raconte le week end. Rien que de très banal: une balade avec les gosses au bois de Vincennes, un ciné entre amis pour voir le dernier Tarantino. Personne ne parle de virée en voiture de sport à Deauville, ni de diner au chandelles dans un restau trois étoiles.
Premier client: il se plaint des frais bancaires trop élevés et m'accuse de profiter de la crise pour m'enrichir sur son dos. Je détourne la conversation en souriant. Il revient à la charge. Il repartira furieux et me mettra dans le même sac que le trader millionnaire se pavanant dans sa villa bord de mer.
Pendant ce temps là, les gros bonnets de la banque qui touchent leurs jetons de présence et leurs stock options, sont bien au chaud à l'abri dans leurs bureaux au siège. Ils ne verront pas un seul client de la journée. Ils déjeuneront dans un restaurant gastronomique tout en se plaignant de la mauvaise publicité que leur font les médias. Pour nous, à l'agence, le déjeuner ce sera un plat tout prêt réchauffé au micro onde et vite avalé dans la petite cuisine au sous sol.
Et oui, tous les banquiers naissent libres et égaux en droit, mais certains banquiers sont plus égaux que d'autres...