lundi 28 septembre 2009

Mieux vaut être assuré deux fois qu'une!

Vous n'êtes pas sans savoir que Les banques s'investissent de plus en plus dans le marché des assurances. Sans grande formation la direction nous a lancés sur des challenges afin de gagner des parts de marchés.
Nous devons vendre des assurances en y connaissant rien à des gens qui n'y connaissent souvent pas grand chose. Ça donne des échanges de ce type:

- Le conseiller: Etes vous assuré contre les accidents de la vie?

-Le client: Euh ben non. J'en sais rien en fait, j'ai signé mon contrat d'assurance y a tellement longtemps. Pourquoi vous me posez cette question?

-Le conseiller, un peu gêné: Parce que c'est très important. Si vous tombez d'un escalier ou d'une échelle par exemple et que vous devenez invalide après vous n'avez aucune couverture.

-Le client: Si y a la sécu. Je toucherais des indemnités.

Le conseiller, très stressé: Oui mais si vous êtes malade longtemps vous serez moins indemnisé. C'est une assurance qui vous permet de toucher une somme qui vous permettrait par exemple de réaménager votre maison pour vous permettre d'y circuler avec un fauteuil roulant...
(notez l'utilisation répétée du mot "permettre", le conseiller commence à perdre ses moyens).

Le client, un peu agacé: Primo, je ne bricole jamais, je sais même pas planter un clou. Secondo, je ne prends jamais d'escalier parce que c'est fatiguant. Et troisio, j'ai pas de maison, j'habite en appartement alors si je deviens handicapé je continuerais à prendre l'ascenseur et pis c'est tout!

Face à l'exaspération du client, le conseiller n'ose pas lui affirmer qu'on ne dit pas troisio mais tertio, et il n'ose pas non plus lui dire qu'il a raison...

Ce produit, en fait nous avons d'autres façons de le refiler aux clients et là, ça marche toujours. Par exemple:

- Le conseiller: Monsieur Mifton, je vois que vous n'avez pas couvert votre chéque cette semaine. Vous savez que la semaine prochaine, si vous ne le payez pas on va le rejeter définitivement et vous deviendrez interdit bancaire.

-Le client penaud et un peu terrifié: Je sais, mais j'ai eu des difficultés ces derniers temps. Je vais faire mon possible.

Le conseiller: Oui, je sais vous m'avez dit ça la semaine dernière. Non, je pense que vous avez des soucis récurrents et que s'il vous arrivait quelque chose vous ne pourrez pas rembourser vos dettes. Pour ça je vous propose de souscrire une assurance qui vous couvre contre ce risque.
(la revoilà cette assurance, mais présentée dans un cadre différent).

Le client soulagé: Ah oui, super, et comme ça vous passez l'éponge.

Le conseiller, prudent: Oui au moins pour ce mois ci.

Le client: Ok, alors allons y!

Et voilà, une vente faite facilement...

L'ennui c'est que dans ce type de cas, le client a souvent déjà souscrit la dite assurance. Mais comme souvent il ne la paye plus parce qu'on a rejeté les mensualités de paiement de l'assurance (à cause justement de ses difficultés), elle est annulée. Bonne nouvelle pour le banquier, puisque on peut refaire au même client la même assurance. C'est ce qui s'appelle faire une stat sans trop se fatiguer, et ainsi de suite jusqu'au prochain rejet de prélèvement de l'assurance.

Voilà donc une bonne méthode pour être premier sur le challenge "assurance accidents de la vie"...

Elle est pas belle la vie?

lundi 21 septembre 2009

De l'intêret de s'habiller selon les circonstances...

Cette semaine j'ai fait la connaissance d'un nouvel outil de pilotage des ventes: "La fiche d'activité"...
Il s'agit d'une fiche que chaque conseiller doit rendre à son directeur en fin de semaine afin de faire un point sur:
- les ventes effectuées
- les ventes à réaliser
- les raisons pour lesquelles on a pas réalisé les ventes qu'on devait réaliser et s'interroger sur comment faire pour les réaliser dans un futur très très très proche.

Toujours pleine de volonté et bonne élève dans l'âme (du CP au CM2, j'étais la première de ma classe quand même), j'ai essayé de mettre en pratique ma fiche d'activité sur la semaine.
Comme je vous l'ai dit la dernière fois, le dernier challenge portait sur le PEA (pour les nuls en finance le PEA c'est un plan d'épargne en actions). Or, je ne suis parvenue à en caser que 2 sur les 4 que je devais RÉALISER. Il fallait donc mettre le turbo sur ce produit.
Pourquoi n'arrivais je pas à atteindre mes objectifs? La première réponse qui me vint à l'esprit fut dictée par le bon sens: les clients avaient tellement perdu d'argent à cause de la bourse, que lorsque l'on prononçait le mot " actions" devant eux, ils sortaient leur revolver (pour paraphraser un célèbre théoricien de la culture).
Pourtant, ce n'était pas le type de réponse que ma charmante directrice accepterait. Les clients avaient besoin d'un PEA, ils n'étaient pas au courant, c'est tout. À moi de les en informer.
Donc je n'arrivais pas à vendre de PEA parce que je n'arrivais pas à les intéresser au produit (pas parce que ce dernier ne correspondait pas aux attentes du client).
Donc comment faire pour "intéresser le client"... Le temps m'était compté. Il fallait faire vite sinon la prochaine fiche d'activité serait aussi indigente que la précédente et la direction ne me ferait pas de cadeau.
De toute façon, il était trop tard pour réfléchir, le prochain client pointait le bout de son nez et je n'avais même pas jeté un coup d'oeil sur son compte. Il attendait patiemment près du percolateur qui débitait au choix: du café au goût de chaussette ou du thé au citron saveur liquide vaisselle.

Moi: Bonjour Monsieur Mifton, comment allez vous depuis la dernière fois? Et votre femme, comment va t elle?

Monsieur Mifton, un peu géné: Euh, ben justement elle doit venir me rejoindre. Elle est partie déposer les enfants à la garderie, alors...

Moi: Ah oui, c'est vrai! Comment vont vos adorables enfants? Le grand toujours un peu turbulent n'est ce pas?

("Un peu", tu parles! La dernière fois qu'il était venu avec son père, il avait failli déchiqueter toute la moquette de mon bureau en refusant d'enlever ses rollers. À présent, je tremblais d'effroi lorsqu'il m'arrivait de croiser cette petite terreur dans la rue.)

Monsieur Mifton, un peu vexé: Si vous voulez parler de la dernière fois, je pense que Steven s'est déjà excusé. En plus, c'est plutôt votre moquette qui a abimé les rollers de mon gamin pas l'inverse non?

À peine engagée, la discussion débutait mal. Afin de faire une pause dans l'entretien et de me détendre un peu, je décidais d'enlever mon foulard et de me pencher sur mon ordinateur afin d'étudier les comptes de mon client. À cet instant, je remarquai que l'expression de Mr Mifton avait changé.
Sans y prendre garde, en enlevant mon foulard, j'avais découvert une partie de mon décolleté et je percevais que cela n'avait pas échappé à mon interlocuteur. Il avait l'air beaucoup plus détendu et réceptif tout à coup. Je distinguais même un début de sourire sur un visage d'ordinaire mélancolique.
Pas de doute, je DEVAIS profiter de la situation.

Moi: Monsieur Mifton, vous n'avez jamais pensé à investir en bourse?

Monsieur Mifton, un peu géné: Euh enfin pas vraiment. Mais c'est surtout parce que je n'y connais rien. Mais euh si on m'explique, euh, pourquoi pas.

Profitant de la soudaine sollicitude de mon client, je décidais de mettre le paquet sur l'argument commercial du PEA (l'exonération fiscale, la disponibilité des liquidités au bour de 5 ans) enfin tout le baratin.
Seulement, lorsque je pensais que Monsieur Mifton allait enfin signer, je vis Madame franchir le seuil de la porte de mon bureau, essoufflée et comme à son habitude tout à fait antipathique. À la vue de son mari hypnotisé par mes propos mais surtout par une partie de ma personne, elle refusa tout net de signer quelque papier que ce fut...

ItaliqueCette mésaventure, si elle me fit rater une belle vente, me permit de méditer cette vérité:
On ne reçoit pas un homme seul comme l'on reçoit un couple. De l'intérêt de s'habiller selon les circonstances...

La semaine prochaine, je vous raconterai comment je suis parvenue à vendre des assurances à des gens déjà assurés sans le savoir...



lundi 14 septembre 2009

Cette semaine c'est PEA pour tout le monde!!!

Toujours en direct d'une agence bancaire en France, je vous donne des nouvelles du front.
Cette semaine, ma directrice d'agence (au demeurant charmante), m'a convoquée dans son bureau afin de me parler des priorités commerciales de la semaine. Par moment, j'ai l'impression de travailler chez Carrefour, mais bon...
Un peu stressée, le nez sur la liste des classements des agences de la région elle commença à me débiter les infos habituelles.

La directrice d'agence: Bon, je vais pas y aller par quatre chemins, on est à la bourre sur tous les produits financiers. Pourtant, il faut qu'on ait bouclé les objectifs avant fin décembre si on veut toucher la prime de résultat. Alors on va mettre le paquet sur les PEA. Il m'en faut 4 cette semaine. Pour le reste, c'est comme d'habitude, 6 ventes jours en moyenne. Je compte sur toi.

Moi: Ça marche. Seulement, cette semaine, ça va pas être évident, j'ai pas de rendez vous avec des clients que ça pourrait intéresser. J'ai des mamies et des étudiants. Je vois pas très bien comment leur refiler un Plan d'Épargne en Actions. Defiscaliser les plus values de cession d'actions, je pense pas que ce soit la priorité des vieilles dames à la retraite, ni des étudiants en première année de fac'.

La directrice d'agence, un peu agacée: Pas grave, pour les étudiants tu leur dis qu'il faut préparer leurs placements futurs. Dis leur qu'ils prennent date parce qu'à partir de 5 ans ils pourront utiliser leur PEA pour leur placement boursier. Ils paieront moins d'impôts sur leur plus values. Plus ils l'ouvrent tôt, mieux c'est. Pour les mémés, t'as raison passe la main. Sinon, blinde ton agenda en faisant du phoning. Appelle ceux qui ont de l'épargne et pas de PEA et dis leur que tu les appelles pour faire un point vu que tu es nouvelle dans l'agence. Ça marche bien ça!

Donc si je comprends bien, je dois vendre des PEA coûte que coûte sans savoir ce que veulent vraiment mes clients.

Bonjour Monsieur, vous venez pour une simulation de prêt immobilier? Justement, je voulais vous parler d'un placement sur un plan d'epargne en action.
Ça n'a aucun rapport? Je suis bien d'accord! Mais allez dire ça à ma directrice d'agence...

Voilà, il n'est pas évident de ménager la chèvre et le chou, mais bon allez expliquer ça à la direction et aux clients en même temps...

Mission impossible!


lundi 7 septembre 2009

Le risque? Je le passe à mon voisin...

Bonjour,
En direct d'une agence bancaire, je vous informe des jolies petites choses que les services de la direction nous concoctent.

Après une année d'absence alors que la crise est passée par là, je pensais, fort naïvement je vous l'accorde (j'ai été scout ça doit être pour ça) que les banques avaient appris de leurs erreurs et que le scandale des subprimes n'était pas près de se renouveler...
Pour ceux qui n'étaient pas parmi nous ces dix huit derniers mois (coincés sur une île déserte, ou partis pour une expédition au pôle Nord), je vous rappelle les faits rapidement.
Les banques américaines avaient proposé des prêts immobiliers à des ménages ne pouvant pas faire face au remboursement. Afin de se débarrasser de ce risque, ces banques l'avaient "vendu" à d'autres banques. Lorsque les premiers emprunteurs n'ont pas pu rembourser leur prêt, le château de carte s'était écroulé, provoquant les catastrophes que l'on sait.

Et bien, la semaine dernière, pendant que j'étudiais les nouveaux prêts à proposer aux clients, je me suis arrêtée sur un nom de produit qui m'a frappé. Étonnée, j'ai demandé à une collègue des explications.

Moi: Dis donc, c'est quoi ce truc encore? C'est dans la catégorie prêt, mais je ne connais pas le nom.

La collègue: Ben en fait, c'est un revolving mais c'est pas nous qui le faisons. On passe en externe. On ne gère pas le dossier. Toi t'as juste à remplir un formulaire avec le client et l'envoyer au service en question.
Puis avec un air gourmand elle ajouta: Et en plus, ça compte comme une vente. C'est pas mal non?

Moi, étonnée: Tu veux dire qu'on a pas de visibilité sur ce qui se passe. On file le dossier à quelqu'un qui n'a jamais vu le client? Et en plus c'est seulement sur du déclaratif non?

La collègue, blasée: Ouais, c'est ça. Après tout, c'est pas nous qui nous posons la question du risque. Ils se débrouillent avec les infos et pis c'est tout!

Après avoir remercié ma collègue pour l'info, je regagnais mon bureau en me demandant bien ce qui avait pu passer dans la tête des types qui avaient imaginé ce truc.
En gros, si j'avais bien compris, on refilait au client le prêt le plus dangereux qui existe (le revolving, plus connu sous le nom accrocheur de "réserve d'argent") sans établir le dossier en direct!
Franchement, qui est le mieux placé pour estimer le risque d'endettement d'un client à part son conseiller? Il ne faut pas être sorti de Polytechnique (et je pense que notre direction est composée de pas mal d'X quand même!), pour comprendre qu'en décentralisant la prise de décision on perd un part importante de l'information relative au dossier.
Evidemment, la gestion des impayés ne nous appartient pas non plus, et lorsque l'emprunteur a des problèmes pour rembourser, nous le renvoyons sur le service externe.
Ce service en question ne connait pas le client et par conséquent ne fera aucun effort pour comprendre ses difficultés.

Donc à peine un an après le scandale des subprimes, non seulement les banques n'ont rien appris, mais elles décident en plus de mettre en place de nouveaux produits encore plus dangereux qu'avant... Tout ceci me laisse perplexe... Peut-être parce que je n'ai pas fait une GRANDE école. Il y a sans doute des trucs qui m'échappent...

mardi 1 septembre 2009

Où sont passés mes chèques cadeaux??? C'est Jérôme Kerviel qui me les a volés!!!

Bien, il faut que j'avoue quelque chose. Les derniers posts ont été écrits avant que je reprenne le boulot à l'agence. Pour tout vous dire j'ai fait une petite pause pour raison de bébé et la semaine dernière, j'écrivais de mémoire.
Aujourd'hui, j'ai démarré dans une nouvelle agence avec de nouveaux collègues. Après cette longue pause j'ai perdu pas mal de mes automatismes. J'avais besoin de me poser et de reprendre les choses du début, calmement. Et bien, une des premières choses que l'on m'a demandé c'est de faire du phoning pour poser des rendez vous clients dans le but de leur vendre de nouveaux produits.
Comme je suis une petite fille bien disciplinée, je me suis exécutée tout en consultant la liste des services et des placements que nous devons vendre.
J'ai quitté la banque pendant un an et dans ce laps de temps j'ai découvert que le service marketing nous avait mis sur le dos un tas de nouveaux produits à vendre (plus de 10 supplémentaires, j'ai compté).
Comment faire pour vendre les anciens produits plus ceux qui viennent d'être inventé alors que:
- le temps de travail n'a pas augmenté
- il n'y a pas eu de nouvelles embauches
- la quantité de clients reste relativement stable d'une année à une autre

En bref, comment placer de plus en plus de produits alors que nos moyens sont les mêmes et que les débouchés sont limitées?

La réponse est ???
Impossible !!!

En fixant des objectifs irréalisables la direction met la pression en permanence et évite ainsi de verser des primes de productivité au personnel...
J'ai également appris qu'ils avaient enlevé la majorité des challenges qui permettaient aux collaborateurs de gagner 60 euros de chèques cadeaux pour des activités de loisirs.
Ces classements sur un produit en particulier (une carte bleue nouvelle génération, une assurance touts risques pour votre animal de compagnie...) récompensaient d'un petit cadeau les agences les plus performantes. Ces "bonus" aussi humbles étaient ils, motivaient pourtant les collaborateurs en leur donnant l'impression d'être un peu valorisés. Cette gratification symbolique nous amusait et nous forçait à nous dépasser un peu. Ce matin, j'ai appris que ce temps était terminé (je ne ferais jamais de karting sur le circuit de Gros Boule les Bains, ni de stage de pêche à la mouche à Menon le Vaseux, dommage...)

Alors, lorsque j'entendais hier que BNP avait "méchamment" baissé d'un milliard à 500 millions les bonus de ses traders... Comment dire, ça m'a filé un peu les boules...